Dans Le gai savoir (Club français du livre, 1957, p. 235), Nietzsche écrit:

"Qui se sait profond, s'efforce à la clarté. Qui veut paraître profond aux yeux de la foule, s'efforce à l'obscurité. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir les raisons: elle a si peur de se noyer!"

Il n'a pas tort. Une pensée profonde s'exprime dans un langage clair. Et l'effort de clarté doit coller à la profondeur de la pensée. Nicolas Boileau ne disait pas autre chose dans L’art poétique (Chant I, Librairie Hatier, Paris, Les Classiques pour tous, 1937, p. 12) lorsqu'il écrivait:

"Avant donc que d’écrire apprenez à penser.

Selon que notre idée est plus ou moins obscure

L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément."

Le paradoxe est que, pour s'épargner l'effort, qui est le prix à payer pour accéder aux pensées profondes, la foule a tendance à vite s'avouer vaincue devant le discours intellectuel et donne, ce faisant, crédit de profondeur aux discours confus. Ce qui, du même coup, conduit ceux qui veulent paraître profonds à ses yeux à surjouer de l'obscurité. Soit par inaptitude à la clarté, soit par désir secret de donner à la foule ce qui suscitera son respect. 

 

Denis Dambré

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