« Vous êtes le fils d'un salarié, ouvrier, employé, journalier agricole. Sauf hasard providentiel, votre destinée est de demeurer toute votre vie un salarié. Voilà, tout à côté de vous, dans la rue voisine, le fils d'un possédant, d'un détenteur de capitaux. A moins de circonstances extraordinaires, il restera sa vie entière, directement ou indirectement, un patron. […] On nous répondra : la société distribue à chacun de ses membre le rôle, la tâche qui convient à ses facultés. Il faut bien que l'un commande et que l'autre exécute, que l'un travaille de son cerveau, l'autre de ses bras. Soit, il faut des hommes pour toutes les tâches, et il serait absurde que chacun prétendît à diriger les autres. Mais où trouvons-nous l'assurance que le fils du possédant en fût plus digne que le fils du prolétaire ? Quand donc a-t-on mesuré contradictoirement leurs aptitudes, c'est-à-dire leur intelligence et leur culture ? L'un est plus instruit que l'autre ? C'est qu'un premier privilège, une première distinction arbitraire les a séparés, dès que leur conscience s'éveillait à la vie. »

Léon Blum, Pour être socialiste, 1919. Passage cité en exergue de : Camille Peugny, Le destin au berceau : inégalités et reproduction sociale, éditions du Seuil et la République des idées, mars 2013

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