« J’avoue que je ne puis me faire à ces façons de parler dont se servent même des gens fort sages : ‘‘Tel peuple’’ (en train d’élaborer sa liberté et ses lois) ‘‘n’est pas mûr pour la liberté’’ ; ‘‘les serfs de tel grand seigneur ne sont pas encore mûrs pour la liberté’’ ; ‘‘les hommes, d’une manière générale, ne sont pas encore mûrs pour la liberté de croyance’’. Mais, dans cette hypothèse, la liberté n’arrivera jamais, car on ne peut mûrir pour la liberté qu’à la condition préalable d’être placé dans cette liberté (il faut être libre afin de pouvoir user comme il convient de ses facultés dans la liberté). Il est certain que les premiers essais seront grossiers et qu’ordinairement même ils se relieront à un état de choses plus pénible et plus dangereux que celui où l’on vit sous les ordres d’autrui, mais aussi sous sa prévoyance ; seulement, on ne peut mûrir pour la raison que par des essais personnels. »

 

Emmanuel Kant
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